La gestion coutumière de l'eau au Maroc médiéval
Mouskite Mohamed
Les
coutumes sont considérées vraiment parmi les règles inculquées et les plus
influentes dans la structure des systèmes de réglementation hydriques en général .Ces coutumes sont associées
essentiellement aux cycles hydriques et à la répartition des naoubats
entre les ayants de droits en particulier. Ce qui marque l’enracinement des
coutumes et leurs règles dans le domaine indiqué, d’une côté, c’est que
l’histoire législative affirme l’ancienneté et le respect de génération en
génération de leurs contenus depuis des temps lointains .De l’autre côté, elles
gardent leurs position dans la mémoire populaire collective et dans les usages.
Mais c’est quoi la coutume ?[1],
c’est ce qu’est installé dans les âmes et que les esprits acceptent .C’est
aussi une affaire qui se fréquente sans une relation rationnelle[2].
L’application des coutumes ne signifie pas nécessairement désactiver la
jurisprudence de la chariaa , puisque la coutume et la chariaa ne
sont pas deux éléments opposés ,chacun n’ôte pas l’autre[3]
mais ils sont intégrales .nous constatons que certaines règles coutumières dans
le domaine de la gestion des eaux descendent de la chariaa comme le
principe de « la priorité du plus haut lors d’irrigation »,qu’est
exprimé dans le cadre coutumier par un adage populaire « ouggoug[4]
ora yakka aman ard ichbaa » ,ce qui veut dire qu’un barrage ne donne l’eau
à celui qui le suit que lorsqu’il est saturé .Aussi existe –il une coutume
adoptée par les gens de plaine de Draa moyens ; la terre est irriguée
suffisamment ,quand l’eau atteint le talon .En effet ,la coutume islamique est
originaire et basée sur le hadith : « iski ya Zoubir »,
irrigues –toi Zoubir[5].
L’histoire législative et celle des institutions sociales témoignent
l’enracinement des coutumes et les habitudes dans le domaine de la législation
hydrique au Maroc depuis longtemps .Il est évident que les problématiques de la
gestion de l’eau se fondent sur trois axes : la jurisprudence et les
règles coutumières et les textes législatifs. La coutume est alors un système
structural pour la gestion de l’eau et elle est liée à la chariaa islamiya et
ousoul el fikh.
Parmi les coutumes les plus répandues pour la gestion des problèmes de l’eau au Maroc du Moyens âge, on
peut citer :
1-
Le système de la portion dans la distribution de l’eau
Les références historiques englobent des informations concernant la
convenance à propos de la distribution de l’eau ou l’utilisation de l’autorité
pour le cambriolage de ses ressources, parce que Ahl lhal wa al aakd dans la
société, des šeikh et des leaders des tribus, ont été conscients aux problèmes
liés à l’eau .Ils tranchaient alors les problèmes à partir du système de portions
afin d’écarter les conflits au temps de l’insuffisance. Sijilmassa est un
exemple de la ville bâtit parfaitement
avec des remparts bien soignés, ses eaux sont divisées dans des canaux avec précision, chaque endroit bénéficiait de
l’eau de la rivière qui le traversait[6].
L’auteur d’Al istibsar indique l’affluence de l’eau au
milieu du 6 éme siècle hégire lors de la description des régions au nord du
Maroc, elles sont des édifices joints irrigués par les rivières , l’eau libre
et les multiples sources sans parler des techniques de la distribution ou les
problèmes liés au tours d’eau. A la ville de Ghmate Ourika, l’exploitation de
l’eau se fait à partir de l’accord des habitants qui les divisent selon le
besoin et durant la semaine en deux parties :[7]
-
La première partie commence le jeudi et prend fin le dimanche .La ville
bénéficie de la rivière le jeudi jusqu'à dimanche.
-
La seconde partie comprend les autres jours.
2-
Le système al keld
Al keld vient du mot kallada et kallada l’eau dans un bassin signifie
l’y amasser.et kallada des plantes veut dire les irriguer.Et takalladou l’eau
désigne son utilisation avec alternance.Al keld indique aussi avoir sa part
d’eau. Ainsi, al keld signifie irrigation d’eau chaque semaine, on dit le ciel
nous a irrigué keldan.[8]
Al keld est aussi un pot qu’on
perce au fond et dans lequel on met l’eau dans un temps déterminé et au dessous
on met un autre pot .Quand l’eau se réduit, on l’ajoute jusqu’à la fin du jour
puis on divise, avec un mesurage prédéfini,
l’eau amassée entre les
partenaires selon leurs parts .S’ils ont permet à celui d’en haut de commencer,
il aura le droit. Celui-ci, laisse l’eau coule, après avoir met al ked comme
étant un élément de mesure.[9]
Al keld est utilisé au Maroc médiéval pour mesurer la durée d’irrigation
en relation avec le débit. Néanmoins, les informations précises concernant son
volume, son amplitude et la durée que demande l’opération pour être chargé, est
absentes dans les références historiques. Parmi les différents appellations
d’al keld, on trouve tanaste d’où le nom est originaire du cuivre
dont elle est composée[10],et
tattaste ou ttasa ou bien al kassriya
, azzougla et chakfa.
La ville de Gadamèss a connu un système complexe de la distribution de
l’eau ,la tournée d’irrigation est divisée par heures et degrés sur une base
ajustée .Les marocains ont adopté, pour la répartition de l’eau par al keld
,deux principes : la quantité de l’eau et la durée d’irrigation et ne
prennent pas en considération, que rarement ,la surface irriguée et sa
disproportion .Il n’existe alors aucune correspondance entre la surface des
terres et le nombre des outils de mesure accrédités dans la répartition .Al
keld ne prend pas en considération la diminution du débit de l’amont vers
l’aval, à cause de la transsudation ou la profondeur ou la vaporisation ,car il
n’existe pas dans les coutumes marocaines la détermination exacte du débit
,alors si deux fonds , l’un en amont et l’autre en aval , ont la même nombre de
mesure agrée ,ils ne reçoivent pas la même quantité d’eau[11].
3-
Le système de la documentation et de contrats
Les jurisprudences doctrinales citées dans nawazile comprennent des verdicts aux procès de l’eau basés sur le
coran et sunnah et les jurisprudences venues des coutumes et les habitudes de
la société .Le livre al miaayar
d’El wancharissi occupe une position importante due d’un
côté à sa diversité et le regroupement des propos des anciens dans différentes
questions. Il devient alors une référence de réponses à une somme de problèmes
liés aux côtés religieux et les transactions, y compris les
questions de l’eau concernant Al maghreb Al Aqsa, qui sont au
nombre de 119 nazila (problème posé aux jurisconsultes) dans les parties
5, 7, 8,9et 10.[12]
La documentation médiévale prend différents aspects
selon son objet, elle sert à confirmer la possession des droits de l’eau,
l’ancienneté d’une saguia, et la confirmation ou la néantisation du dommage …et
elle contient la date, les noms des témoignes ainsi que le problème posé[13].
On a constaté que le système de documentation a joué
un rôle primordial dans la gestion des
problèmes et résoudre les conflits liés à l’eau puisque il garantit
l’exploitation de l’eau avec égalité.
4-
Les règles d’exploitation de l’eau des séguias
Plusieurs questions ont été posées aux jurisconsultes
concernant le passage des canaux à travers les fonds d’autrui et leur
exploitation entre les habitants de l’amont et de l’aval, ils ont mis des
règles religieuses et coutumières pour atténuer
l’intensité des problèmes, par lesquelles ont organisé l’opération
d’exploitation de l’eau des canaux[14].
5-
Contrat de co-irrigation (al mousakate) et son
rôle dans la gestion d’eaux d’irrigation
à la propriété d’autrui.
La co-irrigation (al mousaqat) consiste à donner à une
personne la vigne, le sassement, le figuier, l’olivier ou la totalité de la
récolte des ses arbres pour les
travailler et les irriguer, et la récolte se divisera en deux parts ou le
propriétaire bénéficiera d’une partie de la récolte déjà établie et connue[15].
Al mousakate ne se limite pas à l’irrigation, mais
elle comprend d’autres traveaux comme le forage, la fumaison des arbres et tout
ce qui est à l’intérêt de la récolte et les arbres .Tels contrats ont des
avantages clairs et directs comme la réalisation de la sécurité alimentaire et
l’égalité d’opportunité entre les citadins marocains au Moyens Ages. Dans cette
époque beaucoup de gens possèdent des vergers grâce au don ou l’héritage pour
la continuité du responsable de l’irrigation et la réforme des terres d’autrui.
Et c’est ce qu’on appel aujourd’hui les contrats d’exploitation indirecte des
terres agricoles .L’expansion de tels contrats est liées à la doctrine malikite
qui est été répandue à cette époque dans l’occident islamique
6-
La fatwa religieuse et son rôle dans la gestion et
l’organisation des affaires hydriques
Parmi les fatwas, qui montrent les réponses des
jurisconsultes, basées sur la référence religieuse et coutumière de la gestion
des affaires d’eau, que le Maroc médiéval a connues, on peut citer :
A-
Les fatwas concernant le balayage
On cite l’affaire de la vallée Masmouda quand les
habitants ont entré en conflit avec les
fassis à propos du nettoyage de la rivière Masmouda afin d’augmenter le niveau
d’eau pour irriguer leurs légumes et fruits. La réponse d’El wancharissi
était :
« Tous ces types (exploiteurs d’eau de la
rivière), ont le droit de balayer la rivière afin d’augmenter ou stabiliser le
niveau d’eau, mais les parts des usagers restent les mêmes. Et la
référence religieuse est disponible pour ces affaires, comme le harem des puits
dans la Moudawana[16]
qui dit : si un canal ou un puits a besoin de balayage a cause de la
baisse du niveau d’eau, mais quelques uns veulent balayer et les autres
refusent, on dit alors pour les premiers nettoyer si vous voulez et partager
l’eau comme d’habitude qui se trouve avant le
nettoyage, et vous avez l’eau ajoutée après le nettoyage. Il
dit : les balayeurs ont la priorité d’exploiter l’eau ajoutée jusqu'à la
prise de leur dépense et après ils prennent leurs parts dans la totalité de
l’eau. Et la preuve dans cette affaire est claire.
B - Exemple d’une fatwa à propos de la
distribution de l’eau
Une question s’est posée à Ibn Aallak à propos des gens du forteresse
Shearouse qu’ont une source d’eau se divise en cinq Saguias et les
propriétaires prennent l’eau de façon éligible ce qui touche les droits des
pauvres et les orphelins et les incapables .Ils ont accepté et attesté que
l’irrigation doit être en tours exactes d’haut jusqu'à en bas pour chaque
Saguia en heures convenues .L’eau se divise entre toutes les cinq Séguias l’une
après l’autre .Est ce qu’ils ont le droit de la propriété des Noubas (tours
d’eau) de telle façon puisqu’ils possèdent la propriété commune du
source ? Et si vous dites la chose est réglée, cet accord doit être
appliqué aussi pour Almahajir et les femmes absentes ?
Il a répondu : je me tenais à la question précédente, si l’eau de
la source est commune, ils ont le droit de le partager comme convenu. Mais
après l’accord des femmes et la nomination par le juriste des représentants
d’Almahajir et les femmes .Si il y a une
convention collective sur la division sans préjudice, elle sera appliquée même
si l’eau vient de la montagne et de la pluie, sans propriété originale .La
chariaa permis l’irrigation du haut et quand il achève le
laisse au dessus comme il est
mentionné dans la Sunnah[17]
La liste bibliographique
-
Abou al ʿabbas Chihab Eddine
Ahmad ben moḥammad Al qastalani,irchad assari fi charḥi al imam al boukhari,dar
al fikr li ṭṭibaʿa wa nnachr wa ttawziʿ
-
Al maouroudi Abou El ḥasan, al
aḥkam assoultaniya wa al wilayate ddiniya, dar al koutoub al ʿilmiya,dar al koutoub al ʿilmiya , Beirouth,1985
-
Aljidi Omar , alʿorf fi al maḏab al maliki
wa mafhoumouha lada ʿolamaʾ al maġrib, matbaʿate fdala, Mohammédia,1982
-
Azrikem Abderazzak, ḥawla
tamallouk al maʾ wa niẓam al ḥissa fi tawziʿ,in :Colloque al maʾ al
moutamallik: adouwal wa al kissma wa ḥakk attasarrouf fi al ḥaẓ mina al
maʾ,coordination de Hassan Hafidi Alaoui et Abdeljalil Lkrifa,ed.1,
Marrakech,2002
-
Ibn ʿabd Al bar, al kafi fi
fiqhi ahl al madina , librairie Arriad, Saoudi arabe,tome
-
Id el fkih Ahmed ,niẓam al
miyah wa al ḥoukouk al mourtabita biha fi al kanoun al maġribi charʿan wa
ʿorfan wa tachriʿan,publications de la faculté chariʿa ,Agadir,éd.1,2002
-
Lamrani Mohamed Alaoui,qadaya al ma bi al maġrib al
aqssa min ẖilal koutoubi annawazil al fikhiya al wanšarissi namouḏajan, in:
colloque al maʾ fi tariẖ al maġrib, faculté de lettre et des sciences humaines
,série nadawate wa mouḥadarate, n.11, Ain šouk,1996
-
Ouhajou ,L’espace
hydraulique et société au Maroc cas des systèmes d’irrigation dans la vallée du
Draa ,publ.de faculté des lettres et des sciences humaines ,Agadir, série
thèses et mémoire.7,1996
[1]
Aljidi Omar , alʿorf fi
al maḏab al maliki wa mafhoumouha lada ʿolamaʾ al maġrib, matbaʿate fdala,
Mohammédia,1982,p.40
[2]
Abou al ʿabbas Chihab Eddine Ahmad ben moḥammad Al
qastalani,irchad assari fi charḥi al imam al boukhari,dar al fikr li ṭṭibaʿa wa
nnachr wa ttawziʿ,p.95
[3]
Id el fkih Ahmed ,niẓam al miyah wa al ḥoukouk al
mourtabita biha fi al kanoun al maġribi charʿan wa ʿorfan wa
tachriʿan,publications de la faculté chariʿa ,Agadir,éd.1,2002,p.p.
129-130-145
[4] Captage, barrage de dérivation
en pierres et branchages dans le lit de l’oued pour détourner l’eau vers un
canal, prise, seuil. Ouhajou ,L.,espace hydraulique et société au Maroc cas des
systèmes d’irrigation dans la vallée du Draa ,publ.de faculté des lettres et
des sciences humaines ,Agadir, série thèses et mémoire.7,1996,p.322.
[6] Azrikem Abderazzak, ḥawla tamallouk al maʾ wa niẓam al
ḥissa fi tawziʿ,in :Colloque al maʾ al moutamallik: adouwal wa al kissma wa ḥakk
attasarrouf fi al ḥaẓ mina al maʾ,coordination de Hassan Hafidi Alaoui et
Abdeljalil Lkrifa,ed.1, Marrakech,2002,p.41
[7]
Azrikem AbderAzzak , ḥawla tamallouk al maʾ wa niẓam al ḥissa fi tawziʿ,
ibid.,pp 43-44
[8] Al maouroudi Abou El ḥasan, al aḥkam assoultaniya wa
al wilayate ddiniya, dar al koutoub al ʿilmiya,dar al koutoub al ʿilmiya , Beirouth,1985,p.p.228-229
[9]
Alaoui Hassan Hafidi,,qismate al maʾ bi al qild bi
bilad maġrib al ʿaṣr al wassite,op.cit.,p.115
[10]
Ibid.p.115
[11]
Alaoui Hassan Hafidi,,qismate al maʾ bi al qild bi
bilad maġrib al ʿaṣr al wassite,op.cit.,p 130
[12] Lamrani
Mohamed Alaoui,qadaya al ma bi al maġrib al aqssa min ẖilal koutoubi annawazil al
fikhiya al wanšarissi namouḏajan, in: colloque al maʾ fi tariẖ al maġrib,
faculté de lettre et des sciences humaines ,série nadawate wa mouḥadarate,
n.11, Ain šouk,1996,p.50
[13] Rachid Essllami,assawaqi wa mašakil taṣrif al miyah bi
al ġarb al islami min ẖilal koutoub al waṯaék, in: colloque almaʾ al
moutamallik adouwal al qisma wa ḥakk attaṣarrouf fi al ḥaẓ fi al maʾ,
op.cit,p.100
[14] Rachid Essllami,assawaqi wa mašakil taṣrif al miyah bi
al ġarb al islami min ẖilal koutoub al waṯaék, in: colloque almaʾ al
moutamallik adouwal al qisma wa ḥakk attaṣarrouf fi al ḥaẓ fi al maʾ, op.cit,p102
.
[16]
La grande Mudawana de Sahnoun est le deuxième
plus ancien ouvrage en Malékisme après Al muwatta
[17]
Aḥmed Al wanšarissi, al miʿyar al mouʿrab ʿan fatawi
ahl ifriqya wa al andalous wa al maġrib, dar al ġarb al
islami,Beirouth,1981,pp.40-41